Bienvenue dans le premier chapitre de notre webdocumentaire. Ici vous allez découvrir sept histoires, de sept personnes transgenres. Bien sûr, il existe autant de parcours que de personnes trans. Premiers questionnements, annonce du coming-out à la famille, aux proches, rencontres amoureuses, ou encore confrontations aux normes sociales. Ces thématiques, nous les avons abordées avec des personnes de 20 à 50 ans. Des parcours de vie, qui, ici, se complètent.
Jules aime tout ce qui brille
Jules a 24 ans, quatre frères et sœurs et a étudié à Besançon il y a quelques années. Il a aussi vécu à Londres, une ville qu’il adore. Depuis, il a repris ses études, vit dans le Nord de la France et travaille en alternance dans une petite librairie. Quand on demande à Jules ce qu’il aime, il répond qu’il adore Louis Tomlinson et Les Frères Scott. Côté livre, il cite “La fille de Brooklyn” de Guillaume Musso, “Où es-tu ?” de Marc Lévy ou encore “Au cœur de ma nuit” de Sarra Manning. Et sinon Jules aime tout ce qui brille ! #paillettes
Le jeune homme a fait son coming out trans durant l’été 2021. Nous lui avons demandé s’il pouvait revenir avec nous sur ses premiers questionnements.
Jules explique la dysphorie de genre par le “moment où on ressent un mal-être lié à la différence entre le genre dans lequel on s’identifie et le corps qu’on a/notre apparence physique”. Il ajoute aussi, “dans mon cas je me sens homme, j’ai un corps de femme, il y a donc un mal-être, un malaise, qui vient de cette différence. C’est quelque chose qui peut être très douloureux car on ne peut pas agir dessus dans l’instant”.
Il a hâte de commencer la prise d’hormones afin de baisser le ton de sa voix et que son corps change physiquement. Il envisage aussi une mastectomie. Pour le moment, le jeune homme porte des binders tous les jours, une sorte de brassière qui compresse la poitrine.
Jules, étudiante et drag queen
Ce que l’on sait aussi de Jules c’est qu’elle est passionnée par le maquillage, les comédies musicales et qu’elle aime beaucoup son chien : Pooki.
Jamais bien dans son corps, Jules a mis du temps à se rendre compte qu’elle était une femme. Elle l’a compris il y a moins d’un an, quelques années après son coming-out gay. Ensuite, elle a mis plus d’un mois avant de l’accepter et de l’affirmer. “Le genre et la sexualité sont deux choses différentes. C’est plus dur d’avouer sa transidentité. Je le fais petit à petit et ceux qui ne l’acceptent pas, c’est qu’ils ne m’aiment pas vraiment. Je n’ai pas besoin d’eux dans ma vie.” La première personne à le savoir fût sa mère. Puis sa sœur, sa marraine et ses amis.
Jules, elle, te conseille les comédies musicales suivantes : Cats The Musical, MAMMA MIA, La la land ou encore, The Greatest Showman !
La playlist :
Aujourd’hui, Jules est au début de sa transition. Elle a commencé à voir régulièrement une psychiatre. La prochaine étape sera de contacter un endocrinologue.
En ce qui concerne les papiers d’identité, Jules n’a pas encore commencé les procédures de changement. Il lui a fallu du temps avant de trouver le bon prénom, celui qui la suivra toute sa vie. Jules. Un prénom tiré de la série Euphoria. “J’étais dans mon canapé, je regardais la série et d’un coup je me suis dit que ce prénom était fait pour moi, qu’il me ressemblait, que ça m’irait bien.” Elle s’est imaginée 20 ans plus tard, puis elle s’est dit que ce prénom, elle l’aimerait pour toujours.
Au-delà de l’affirmation et du prénom, c’est une autre de ses passions qui a conduit Jules à avoir son déclic. Les Drag Queen’s shows.
Jules termine sur un conseil qu’elle souhaite donner et surtout qu’elle se donne à elle-même.
Erwan & Alex, amis d’enfance
Erwan et Alex sont deux amis bisontins, respectivement de 26 et 23 ans. Erwan est usineur prototypiste dans le médical. Il aime beaucoup la musique et ça se voit : dans son salon trônent plusieurs instruments de musique dont un synthé et une guitare. S’il devait choisir un style de musique, ce serait certainement le rock.
Côté passions, il apprécie le milieu artistique et s’intéresse aussi au Roller Derby. Le seul sport que l’on peut faire en compétition en étant transgenre. Au-delà de ça, c’est une pratique sportive ouverte d’esprit qu’il aime énormément. D’ailleurs, si vous connaissez un peu ce sport, vous n’êtes pas sans savoir que chacun des pratiquants a un nom, un surnom bien à lui. Pour Erwan, lui, c’est Badman.
Si tu cherches de nouveaux artistes à ajouter à ta playlist, Erwan te propose : Janis Joplin / The strokes / Brigitte / Ludovico Einaudi / Hans Zimmer
Découvre sa playlist :
Alex de son côté, a trois ans de moins que son ami et il travaille en tant qu’animateur périscolaire. Depuis quelques mois, quand ce jeune homme à du temps libre, il s’adonne à une nouvelle passion : le skate. Souvent, lui et Erwan embarquent planche et patins pour se balader et s’entraîner.
Tous les deux se connaissent depuis plusieurs années, et ont accepté de revenir avec nous sur leur histoire, leurs parcours et leurs ressentis et ce, depuis le commencement.
D’ailleurs, il faut attendre 2010 et le décret n° 2010-125 du 8 février 2010, pour qu’une personne transgenre ne soit plus considérée comme ayant une maladie mentale (appelée “transsexualisme”). Aussi, si vous n’étiez pas au courant, on n’utilise plus le terme de personne “transsexuelle”. Littéralement, “trans-sexuel” renvoie au fait que la personne change de sexe, hors il n’y a pas une transition mais des transitions. Il n’y a pas de règles à suivre. Alors, on préférera la terminaison suivante : personne “transgenre”.
Au cours de nos entrevues, Erwan nous explique que pour lui, il faut être patient car tout prend du temps, autant l’évolution de la mentalité des gens que le côté administratif et juridique. Mais il y a des avancées !
Depuis la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 dite loi de modernisation de la justice du XXIème siècle, une personne transgenre ne doit plus passer devant un juge pour pouvoir changer son prénom, elle peut directement se rendre auprès d’un officier d’État Civil. Avec cette loi la médicamentation ou la stérilisation préalable de la personne trans ne peuvent plus être demandées. « Le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à la demande.” (article 61-6 C. civ.).
Tout ça c’est très récent et on est quand même en 2022. C’est vrai que ça m’a un peu abérré, choqué même, parce qu’on a pas le droit de demander à une personne de se stériliser pour être elle-même.
Erwan
Erwan a commencé sa transition et ses démarches avant la loi du 18 novembre 2016 dite loi de modernisation de la justice du XXIème siècle. Il a donc dû constituer un dossier très complet pour avoir un M sur sa carte d’identité. Il ajoute que “dans ces moments on a besoin de beaucoup de soutien de nos proches ». Mais d’ailleurs, comment Alex et Erwan ont-ils abordé le sujet avec leur famille et amis ?
Il y a beaucoup de groupes sur les réseaux sociaux maintenant. Nous si on a besoin d’un truc on va sur les réseaux sociaux, on trouve tout de suite, il y a des groupes privés pour les FtM (Female to Male / Femme vers Homme) et pour les MtF (Male to Female / Homme vers Femme), ils sont privés pour ne pas que des personnes néfastes viennent. On y trouve toutes les informations qu’il faut et on peut y aller si on ne va pas bien.
Erwan
L’annonce aux proches, puis s’en suit parfois l’annonce aux collègues de travail. Erwan nous raconte son expérience.
Erwan et Alex sont revenus avec nous sur le fait que certaines questions posées à des personnes transgenres peuvent être blessantes ou irritantes.
Paga, futur professeur des écoles
Paga a 23 ans. Il est né à Montbéliard en mai 1998. Il vient de terminer ses études en MEEF à Besançon et récemment, il a passé le concours pour être professeur des écoles. Jusqu’à l’âge de 12 ans, il vivait avec sa grand-mère. Une fois arrivé à Besançon, pour ses études, il a décidé de faire une colocation avec sa cousine. Une cohabitation qui a duré 5 ans.
Les parents de Paga divorcent lorsqu’il a 6 ans et alors qu’il noue des liens solides avec son père, ceux avec sa mère se dégradent. Paga passe le moins de temps possible avec elle, et avec sa famille. Il aime être seul, mais sans jamais être tout à fait solitaire. Il aime rester dans sa chambre, et nous explique même, que c’est l’endroit dans lequel il se sent le mieux. Un lieu de confiance dans lequel il passe du temps avec lui-même, mais aussi avec ses idoles. Sous casque ou sur enceinte, il écoute reggae, pop, R&B. Ces différents univers musicaux rythment sa vie.
Inspire toi des groupes favoris de Paga ! Danakil, I woks, 47ter, Mandragora ou encore Berywam.
Découvre sa playlist :
C’est dans un lieu de confiance que nous l’avons rencontré. Chez lui. Dans son salon. Assis les uns en face des autres, il commence à nous raconter son histoire.
L’annonce aux proches, à la famille et aux amis peut s’avérer être un moment difficile. Il est aussi et surtout différent pour chaque personne. Pour Paga, la meilleure manière de le faire était d’écrire des lettres à tous ses proches. Il a donc rédigé des pages entières de mots, de sentiments et d’explications sur son ordinateur avant de les envoyer en pièce jointe, par mail. Une lettre pour chaque personne importante dans sa vie.
La première à destination de sa sœur. Il prend le soin d’attendre la nuit, pour cliquer sur envoyer, avec l’espoir qu’elle dorme encore. Elle ne dormait pas. Dans le mail elle a pu lire : « Prenez le temps, j’attends pas de réponse tout de suite. Je suis toujours la même personne, je vous aime”. Elle a répondu à son frère : “Je savais qu’un jour tu allais me dire ça. Tu l’as dit à papa ? dis-lui”. Alors Paga a attendu 2 ou 3 heures du matin pour envoyer la même lettre à son père. Toujours en espérant qu’il soit endormi. Il ne dormait pas non plus et a fini par lui répondre : “Je t’aime comme tu es, il n’y a pas de soucis”. C’est avec sa mère que tout est devenu plus compliqué pour Paga.
Au départ, Paga a demandé à son entourage de l’appeler par ce nouveau nom. Pour lui, c’était déjà suffisant. Puis, progressivement, il leur a demandé de le genrer au masculin et petit à petit, Paga leur a annoncé qu’il souhaitait faire une transition.
Comment se passe une transition ? Qui sont les personnes vers qui se tourner ? Quels médecins ? Comment faire ? Comment changer de nom sur son acte de naissance ? Comment changer la mention de son sexe sur sa carte d’identité ? Par où commencer ? Sont tout autant de questions qui se sont bousculées dans la tête du jeune homme.
Dans une transition, chacun va à son rythme. Il n’y a pas de passage obligatoire. Une transition c’est propre à chacun.
Et pourtant beaucoup de questions et de stéréotypes mal placés gravitent encore autour de ce sujet. Paga nous l’explique.
Sacha, fan de science-fiction
Pour notre prochaine rencontre, nous vous présentons Sacha. Nous avons fait sa rencontre et nous l’avons interrogée directement dans nos studios radio. Si on vous tire son portrait, voici ce qu’il faudrait retenir.
Sacha a 24 ans, et est passionnée par le secours à la personne et par la médecine d’urgence. Elle a d’ailleurs été bénévole à la Croix rouge en tant que secouriste durant 7 ans !
Ce qu’elle aime faire durant son temps libre, c’est écouter de la musique (mention spéciale pour Linkin Park !) et aussi regarder des séries de science-fiction ou de super-héros (elle cite The Flash, Supergirl par exemple). Aussi, elle adore l’écriture et a déjà créé plusieurs textes.
Quand nous l’avons rencontrée, elle n’est pas venue seule. Elle est venue avec sa copine Pauline. Nous avons donc décidé de revenir avec Sacha sur ces moments plus intimes. La jeune femme nous raconte comment tout à commencé entre elles…
On s’est alors demandées si Sacha avait des conseils à donner à des personnes transgenres, si elle aimerait leur passer un message concernant les relations amoureuses et intimes.
Sacha, là on veut tout savoir ! A quoi ressemblait ton profil sur cette application de rencontre ?
Le plus important c’est qu’elle m’aime comme je suis. […] On s’aime comme on est elle et moi.
Jeanne, littéraire et cinéphile
Jeanne a une cinquantaine d’années, elle est fonctionnaire dans l’administration. Elle aime nager des heures dans l’océan, toujours plus loin vers le large. Elle dit souffrir d’une addiction à l’horizon, même si elle n’a encore jamais réussi à l’atteindre. Elle aime lire pendant des journées entières et adore découvrir des écrivains dont elle n’avait jamais entendu parler. Elle aime aussi s’enfermer dans l’obscurité des salles de cinéma. Si vous le lui demandez, elle vous conseillera de lire Nord, de Céline Louis-Ferdinand ou Crimes et Châtiments, de Fiodor Dostoïevski, puis elle vous conseillera de regarder le film Amarcord, de Federico Fellini. C’est dans l’enfance, dans les années 70, qu’elle a compris que quelque chose en elle ne cadrait pas. Mais sans mots pour décrire ce qu’elle ressentait, pour décrire qui elle était, elle a dû continuer de vivre sans identité. À l’époque, le mot transidentité n’existait pas.
Envie de changer de registre littéraire ?
Pourquoi ne pas essayer les ouvrages proposés par Jeanne !
- Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgako
- Le pavillon des cancéreux de d’Alexandre Soljenitsyne
- Faim de Knut Hamsun
- Don Quichotte de Miguel de Cervantes
- Mais aussi tous les livres de William Shakespeare, de Rabelais, de Balzac, de Victor Hugo, de Flaubert, de Tolstoï, de Dostoïevski…
Pour Jeanne, il est important de parler de transidentité aujourd’hui. Le plus possible et au plus de monde possible : “si on m’en avait parlé avant, ma vie aurait été différente. Je n’aurais pas été dans la honte, dans la haine de soi pendant toutes ces années”. Néanmoins, elle ne regrette pas son parcours, ni les années passées. Pour elle, ces années ne sont pas perdues.
Et, à l’époque, l’annonce à la famille n’était pas plus simple qu’aujourd’hui. “Mes parents ont paniqué et surtout mon père. Il ne savait pas ce que c’était. Il a cru que c’était un truc sectaire, enfin je ne sais pas trop ce qu’il a imaginé… et il a fallu un peu de temps pour lui faire comprendre que ce n’était pas une lubie soudaine, un truc sectaire, un endoctrinement, ou je ne sais quoi d’autre.” nous confie Jeanne. Elle revient avec nous sur cette période.
Tout au long de son parcours, Jeanne a remarqué les multiples préjugés qui gravitent autour de la transidentité. Elle nous explique avoir entendu beaucoup de gens parler de théorie de genre et d’effet de mode. “Les gens mélangent tout sans rien connaître” ajoute-elle.
L’existence. C’est le mot le plus utilisé par Jeanne. Le pouvoir d’exister, de vivre sa vie, mais aussi d’exister en étant conscient des différences qui font notre monde. Mais pour ça, il faut une société plus ouverte…
On n’est pas XX ou XY et puis point barre. C’est beaucoup plus complexe que ça. Il faut être curieux un peu de l’existence.